Bienvenue dans la machine - Enseigner à l'ère numérique
Paru le 1 février 2023
Français
Est-il temps d’appuyer sur pause? Une critique sans concession de l’utilisation galopante du numérique dans l’enseignement, une pratique qui ne fait l’objet d’aucun débat… Hausse de la tricherie et du plagiat (notamment grâce à l’intelligence artificielle, dont Chat GPT), perte du sens de la socialité, déficit d’attention et d’empathie, retards d’apprentissage: les preuves s’accumulent quant aux effets nocifs des technologies du numérique en classe, surtout sur les plans cognitif et social. Non seulement de nombreuses études démontrent que les écrans à l’école et l’école dans un écran engendrent des effets négatifs majeurs sur les élèves et bon nombre d’enseignant.es, mais plusieurs d’entre eux, désabusés par des mois d’apprentissage virtuel pendant la pandémie, ne souhaitent pas continuer l’expérience. Pourtant, nos institutions scolaires sautent à pieds joints dans le grand train numérique. Pourquoi? Bien que le bilan préliminaire de l’expérience numérique soit loin d’être reluisant, l’informatisation de l’école a la cote dans les hautes sphères décisionnelles du système scolaire. Poussée depuis déjà quelques décennies par des décideurs et influenceurs obnubilés par le développement économique et technologique, l’obsession pour l’innovation technologique et l’informatisation de nos vies colonise maintenant les classes, un des lieux principaux qui assurent la production et la reproduction de la société. On nous assure que l’informatisation, l’école en ligne et la « techno-pédagogie » sont les solutions à tous nos problèmes. Sans fournir d’autre preuve que celle d’une foi aveugle, on nous dit qu’elles feraient de meilleurs professeurs, seraient bénéfiques pour la planète et assureraient une plus grande réussite scolaire. Dans leur critique sans concession de l’informatisation de l’école, Sébastien Mussi et Éric Martin, deux professeurs de philosophie, nous alertent sur ce qui se profile à l’horizon: la destruction de la culture commune et une dissolution des institutions d’enseignement comme lieux de transmission, de relations humaines et de formation. Loin de relever d’une technophobie primaire, leur démonstration expose les risques bien réels et préoccupants de ce virage, dont la perte d’un certain sens de la socialité et de l’humanité, perte qui se fait déjà sentir. Essai incontournable pour les professeur.es mais aussi pour les parents, Bienvenue dans la machine démontre comment l’offensive numérique en cours s’inscrit dans une vision technocratique et économiciste du monde qui réduit l’école à une machine à former du « capital humain ». Ce qui soulève une question simple, mais fondamentale: à quoi sert l’école? Cri d’alarme pour préserver le métier de professeur et la place centrale des relations humaines dans l’éducation, les auteurs demandent ni plus ni moins qu’un moratoire sur l’utilisation des nouvelles technologies à l’école.