Chroniques du monde qui vient
Paru le 23 novembre 2021
Français
Il y a quelques années à peine, écrit Christian Rioux, « personne ne pouvait imaginer qu’un jour on égorgerait un enseignant en pleine rue pour avoir simplement montré une caricature à ses élèves. Il était encore plus impensable de dire qu’il l’avait cherché. Personne ne pouvait imaginer qu’on puisse brûler des livres, comme on l’a fait dans une bourgade de l’Ontario, et disperser leurs cendres au pied d’un arbre dit de la réconciliation avec les Autochtones. Personne n’aurait cru que des militants pourraient un jour saccager les boutiques de simples bouchers gagnant honnêtement leur vie. Personne n’avait encore songé que, trente ans après l’abolition de l’apartheid et un demi-siècle après la lutte pour les droits civiques aux États-Unis, la guerre raciale reprendrait et qu’on se déchirerait sur les privilèges de “l’homme blanc” ». C’est qu’un tout nouveau monde est en train de naître autour de nous, et que la naissance et le triomphe de ce « monde qui vient » demandent la ruine définitive de l’ancien. Imperceptible d’abord, puis de plus en plus radical et dévastateur à mesure qu’il s’étend dans toutes les sphères de la vie sociale, ce changement exige en effet le rejet des « vieilles » valeurs héritées de la culture occidentale moderne, accusée de tous les crimes par les militants d’un nouvel ordre idéologique. Les chroniques rassemblées dans ce livre, choisies parmi les centaines que Christian Rioux a publiées dans le journal Le Devoir entre 2006 et 2021, racontent par le menu cette guerre qui se déroule à la fois sous nos yeux, dans la société où nous vivons et jusque dans nos propres pensées. Elles retracent l’évolution d’abord anodine puis fulgurante de ce qui pouvait passer il y a quelques années encore pour de simples dérives passagères. Écrites d’une plume tantôt ironique, tantôt indignée, toujours franche, elles forment un vaste tableau de notre époque de transition, peint avec une clairvoyance rare et l’inquiétude de qui ne peut se résoudre à voir disparaître autour de lui la liberté de l’esprit, le besoin de vérité et le sens de la complexité des affaires humaines.